A l’heure où Jacqueline LEMBOURG (CCBW) arpente le Brabant wallon avec son bâton de pèlerin, toujours débordante d’énergie et d’enthousiasme (lire : ‘administratrice-de-la-1ere-heure‘), Rachida Kabbouri est engagée comme Responsable de Projets au CRIBW… et elle y restera 10 ans.
Quel défi que d’être une des pionnières de l’intégration en Brabant wallon, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que Rachida s’est mise au travail. Tout créer, prendre contact avec les associations de terrain, c’est un sacré boulot ! Elle a justement apprécié cette particularité de son nouveau travail : partir d’une page blanche !
Quand le monde associatif découvre l’existence du CRIBW
Le CRIBW comble un vide au niveau du territoire, il fait lien, il tisse le canevas de collaborations entre les associations, il vise à favoriser des actions d’intégration. Le rôle des associations fondatrices et des associations membres de l’AG a été très important. Elles ont représenté une grande force grâce aux apports des relevés du terrain ayant permis de réaliser une analyse précise/fine des besoins de la province.
Lorsque Rachida raconte son parcours professionnel au CRIBW, le sourire ne la quitte pas. Sa voix est enjouée, la motivation et l’engouement du départ sont encore perceptibles. Son passage, elle le qualifie de très enrichissant, tant au niveau professionnel qu’au niveau humain. Ce qu’elle apprécie particulièrement, c’est qu’il s’agit de missions larges qui permettent de proposer des réponses adaptées et précises. Les demandes du secteur associatif nourrissent les actions mises en œuvre par le CRIBW.
Un travail paradoxal, fonction de l’interlocuteur…
Rapidement, les associations s’organisent entre elles avant d’interpeler le CRIBW pour coordonner et enrichir les projets communs. Le CRIBW est très vite perçu comme une force professionnelle et organisationnelle ainsi qu’une ressource importante.
Rachida distingue toutefois d’une part, la facilité de se présenter et d’apporter au monde associatif, d’autre part, pour ce qui est des communes, ce n’est pas le même chemin. Elle comprend très vite, après « s’en être pris plein la tête », que certaines communes ont des craintes par rapport au champ d’action du CRIBW, parfois même perçu comme un concurrent, voire un organisme de contrôle.
Le job est d’aller à la rencontre de l’autre, donc le comprendre, cerner ce qui le motive, découvrir son cadre de référence, décrypter les non-dits et trouver des points de rencontres.
Travailler ensemble pour le public…
La petite équipe (3) du CRIBW, et plus particulièrement Rachida, va par conséquent rassurer et démontrer la complémentarité du CRIBW et des communes. Les unes agissent en première ligne et l’autre en seconde ligne, les futurs partenaires œuvrant pour un même public.
Certaines communes ne se montrent pas toujours très concernées voire peu engagées (elles sont 12/27). Il reste des appréhensions/réticences de la part des communes concernant le public étranger. De grosses questions se posent à propos de la légitimité d’action du CRIBW vis-à-vis des communes.
Le secret, ce sera le temps ! La multiplication des rencontres, l’explicitation des missions communes et complémentaires afin que les communes perçoivent le CRIBW comme un allié dans l’intégration. Rachida ne se démonte pas ! Elle y retourne forte d’une analyse pertinente ainsi qu’un plan d’action. Elle met en œuvre le processus de la démarche interculturelle lors des échanges avec le personnel des communes, « La décentration a permis une approche différente et une meilleure compréhension des enjeux en action. Tels que : les appréhensions, la peur du contrôle, le choc de la reconnaissance des CRIS par la Région wallonne ».
Tu sens que tu sers à quelque chose…
En 2004, dans le contexte des 40 ans de l’immigration marocaine, le CRIBW s’inscrit dans un projet mobilisant le monde associatif. Chacun œuvre autour d’une action qui fait sens pour lui. Le but est de laisser place au public pour qu’il puisse, avec les associations, créer et organiser des actions qui ont du sens à ce moment-là.
Cette co-construction a permis la rencontre interculturelle des associations et du public de personnes étrangères. Lors de cet événement, on projette le documentaire « ici ou là-bas ? », conçu et réalisé, entre autres, par Aïcha ADAHMAN (depuis fondatrice de l’asbl Génération Espoir et administratrice du CRIBW).
Ce jour, il y avait une grande mixité au niveau du public, beaucoup d’interculturel et d’intergénérationnel… la salle était bondée ! « A ce moment-là, tu sens que tu sers à quelque chose de concret ». Le documentaire est en lien avec l’identité, il est très émouvant/touchant. Il permet d’amener la question du 3ème âge de la génération marocaine qui a migré en Belgique.
La suite du travail : l’élaboration de perspectives d’approfondissement de ce qui touche le public étranger.
Qui sont-ils ? ont-ils des besoins spécifiques ? Ces personnes qui ne demandent rien et subissent souvent les conséquences de leurs conditions de travail passées… Aussi nommée la génération sacrifiée / génération du silence.
« Ce sont eux qui parlent et qui connaissent le terrain ! », ceci est la base de l’approche méthodologique utilisée par Rachida lors des rencontres avec ce public. De là où elle parle, Rachida met en place des stratégies d’actions issues de son parcours de vie et professionnel, du vécu des habitants du BW issus de la diversité.
Un investissement sans faille…
Pour réaliser ses missions, Rachida a investi beaucoup de temps (et de km) pour aller à la rencontre des associations, des communes et répondre de manière ciblée aux spécificités qui émanent du terrain.
« On était souvent sur la route, l’équipe est petite, 4 personnes la composaient… Le mode de fonctionnement est assez proche de la cogestion, tout le monde est généraliste, il y a une grande diversité dans le travail réalisé… Cette petite équipe partageait surtout une même vision du travail : s’adapter, ne pas craindre d’aller vers l’inconnu, créer ».
Finalement, elle se voit comme une « transmetteuse de la parole des personnes étrangères » , sur base des demandes et difficultés qui lui sont transmises par le terrain.